Vous avez une facture impayée depuis plusieurs années et votre débiteur invoque la prescription pour en refuser le paiement. Mais qu’est-ce que la prescription ? Quels sont les délais applicables ? Comment s’applique-t-elle ?
1. Qu’est-ce que la prescription et quel est son but ?
Lorsque trop de temps s’écoule entre la naissance d’une créance et la demande de règlement de celle-ci, la notion de la prescription intervient. Il s’agit d’une institution permettant au débiteur de paralyser le droit d’action du créancier par la suite de l’écoulement d’un certain délai.
La prescription a notamment pour finalité de protéger l’intérêt privé du débiteur qui peut, après un certain temps, « dormir sur ses deux oreilles » sans craindre de devoir exécuter une obligation ou conserver des preuves pour se défendre. Ces règles prévues par la loi fédérale complétant le Code civile suisse (ci-après : code des obligations ou CO) incitent donc également le créancier à demander le paiement du prix dans un délai raisonnable[1].
2. Les délais de prescription :
Les délais de prescription sont différents selon la nature de la créance. Tous ne sont pas cités ci-dessous car il en existe une multitude. Seuls sont exposés ici les délais usuels.
L’art. 127 CO pose le principe général selon lequel « toutes les actions se prescrivent par dix ans lorsque le droit fédéral n’en dispose pas autrement ».
L’art. 128 CO atténue la portée de l’art. 127 CO. Il dispose que se prescrivent par cinq ans, notamment :
– « les loyers et fermages, les intérêts de capitaux et toutes autres redevances périodiques ;
– les actions pour fournitures de vivres, pension alimentaire et dépenses d’auberge ;
– les actions des artisans, pour leur travail ; des marchands en détail, pour leurs fournitures ; des médecins et autres gens de l’art, pour leurs soins ; des avocats, procureurs, agents de droit et notaires, pour leurs services professionnels ; ainsi que celles des travailleurs, pour leurs services ».
Un acte de défaut de biens se prescrit quant à lui par 20 ans selon l’art. 149a LP (loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite).
3. Le point de départ du délai
Le code des obligations précise que la prescription court dès que la créance est devenue exigible. L’exigibilité est déterminée par la loi, le contrat ou à défaut, l’exigibilité est immédiate.
Le jour à partir duquel court la prescription n’est pas compté et celle-ci n’est acquise que lorsque le dernier jour du délai s’est écoulé sans avoir été utilisé.
Par exemple, s’il est mentionné sur une facture qu’elle est payable à 30 jours, on ne pourra poursuivre la personne qu’à partir du 31ème jour, jour de l’exigibilité. En admettant qu’il s’agit d’une créance dont le délai de prescription n’est pas expressément prévu par le droit fédéral, le créancier pourra intenter action dès le 31ème jour et pendant 10 ans avant d’être déchu de son droit.
4. Suspension de la prescription
Selon l’art. 134 CO, dans certaines situations, la prescription ne court point et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue. Tel est le cas par exemple pour les créances qu’ont les époux l’un contre l’autre, pendant le mariage.
5. Interruption de la prescription
Dans les cas prévus à l’art. 135 CO, la prescription est interrompue. Cela signifie qu’elle recommence à zéro dans les cas suivants :
- « Lorsque le débiteur reconnaît la dette, notamment en payant des intérêts ou des acomptes, en constituant un gage ou en fournissant une caution ;
- Lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite ».
La durée du nouveau délai de prescription est en principe identique à celle du délai interrompu. Cependant, si la dette a été reconnue dans un titre ou constatée dans un jugement, le nouveau délai est toujours de 10 ans.
6. Non-respect du délai de prescription
L’exception de prescription n’est pas invoquée d’office par le juge mais c’est au débiteur de la soulever. S’il n’en fait rien, il devra payer sa créance.
Il convient de préciser ici qu’une fois le délai de prescription dépassé, la créance subsiste mais n’est plus protégée par le droit.
7. Conclusion
La prescription est une question importante dans le cadre du recouvrement d’une créance. Il faut tout d’abord déterminer son point de départ puis appliquer le délai en fonction de la nature de la créance.
Le respect du délai de prescription est très important car si le créancier fait un mauvais calcul, le débiteur pourra soulever l’exception de prescription et le créancier ne pourra pas récupérer son dû dans le cadre d’une procédure en justice.
Ophélie CURRO, juriste
Creditreform Romandie GNT SA
[1] CARRON Blaise, le nouveau droit de la prescription.